Témoignages recueillis
ENVIE DE TÉMOIGNER ?
(Anonymat garanti)
temoignage@lipseim.fr
DANS L’ENFER DE L’HÔPITAL
Manque de moyens, pression, burn-out : ce livre témoigne avec pudeur et retenue mais sans concession des conditions inqualifiables dans lesquelles les internes en médecine travaillent et se forment.
Nous vous invitons à le lire absolument!
COUP DE BLOUSE
COMPLETEMENT DEMOLI ET A TOTALEMENT PERDU CONFIANCE
« Notre fils a été complètement démoli par ce qui s’est passé et il a perdu toute confiance enlui, si bien qu’il habite chez nous depuis cet été, se sentant pour l’instant incapable de vivreseul. Sans notre soutien il serait à la rue, sans revenu et sans statut.Pour compléter les absurdités, ses 5 années complètes de médecine, sans compter sa 6èmeannée en partie réussie ne l’autorisent qu’à s’inscrire l’année prochaine en école d’infirmier,alors qu’il y a quelques années les étudiants de 4ème année pouvaient exercer directementen tant qu’infirmiers après avoir passé un mémoire.Dans cette période où l’on n’a de cesse d’encenser les soignants, il semble incroyable derejeter ainsi des jeunes qui ont fait la preuve de leur courage et de leur motivation. »
TEMOIGNAGE D’UN PARENT
« Le parcours d’un étudiant en médecine est long et parsemé d’embûches et de difficultés … tout le monde le sait et j’en étais tout à fait consciente lorsque ma fille a commencé ses études ! Je le savais mais… la réalité a très vite dépassé tout ce que je pouvais imaginer ! Je pensais que ma fille allait enfin pouvoir souffler après l’ECN, commencer à revivre après 6 ans d’études et de travail acharné, mais cela a été pire encore hélas. Sincèrement, je ne pensais pas que l’on puisse aujourd’hui en France traiter des personnes aussi mal et j’ai eu bien souvent très peur que le pire arrive tant les conditions de vie sont difficiles. Je remercie ici l’association qui a été à notre écoute et a pu m’aider à soutenir ma fille !
Je n’hésite pas à le dire … les internes sont les esclaves d’un système de santé qui dysfonctionne complètement et refuse de se remettre en question. Manque de personnel, crise sanitaire, désorganisation systémique, … pour tous les problèmes, la solution, ce sont les internes ! Ils n’ont aucun droit et surtout subissent une pression constante de la part d’une hiérarchie qui tient leur avenir entre leurs mains ! Pas le choix : ils doivent obéir et se taire sous peine de brimades et autres humiliations !!!!
Et que dire du suivi de la formation de ces jeunes médecins ! Dès les premiers jours de son internat, ma fille a été jetée dans le grand bain avec une assistance quasi inexistante pour la guider et la rassurer dans les diagnostics ou les traitements à donner. C’est le « système D » pour tout : pour trouver des réponses aux questions, pour gérer les lits, pour remplir les dossiers administratifs. Je me rappelle toutes les fois où elle m’a appelé, la boule au ventre, parce qu’elle craignait d’avoir fait un mauvais diagnostic ou donné un mauvais traitement ! Je me rappelle toutes les fois où elle a dû se battre pour obtenir une radio ou une place pour un patient, dans des services surchargés qui ne répondent plus aux demandes !
Les internes travaillent beaucoup … c’est un fait ! Depuis toujours, on nous explique qu’un interne qui travaille 90 heures par semaine, pour un salaire proche du SMIC … c’est normal ! Mais comment peut-on accepter de telles conditions de travail, par ailleurs illégales et condamnables pour toutes les autres catégories de travailleurs ? Et surtout des conditions de travail qui mettent en danger la vie des patients.
Je ne pensais pas qu’il était possible de travailler, toutes les 3 semaines, 13 jours de suite sans repos, de 8h à 22h (avec des samedis d’astreinte non payés !!!!).
Je ne pensais pas qu’un interne puisse enchaîner sa journée de travail et ses gardes de nuit, souvent sans une minute de repos ni même quelques instants pour manger sur plus de 24h !
Je ne pensais pas qu’on puisse contraindre un interne à prendre une garde le week-end en l’avertissant la veille pour le lendemain, au plus grand mépris de sa vie personnelle !
Si seulement, en retour, ils avaient droit à un peu de considération, de reconnaissance, de bienveillance, d’humanité … mais la plupart du temps … c’est tout l’inverse ! On a par exemple refusé à ma fille un jour de congé pour assister à l’enterrement de son grand-père… sidérant !!!
Seul l’entourage de ces internes peut appréhender cette réalité mais quand nous le racontons, personne ne nous croit !
Heureusement, et il faut le dire, il y a des semestres plus « faciles » : souvent dans les hôpitaux périphériques, les internes croisent des équipes aidantes, des médecins bienveillants, qui gèrent, forment et accompagnent leurs internes dans un climat plus serein, les encourageant à continuer et leur redonnant l’envie de pratiquer ce métier merveilleux !
Cela prouve aussi qu’il n’y a pas de fatalité : au détriment de l’humiliation, la menace et la pression permanente, très contre-productives, on peut faire le choix d’un accompagnement humain et bienveillant pour construire nos médecins de demain ! »
ETRE ETUDIANT/PARENT ET VIVRE LE SUICIDE D’UN AUTRE ETUDIANT
« Elle va avoir 22 ans, elle ne veut pas que cela se sache, elle m’écrit hier soir effondrée par sms et elle a ajouté « info à ne pas diffuser ».
Hier un étudiant a mis fin à ses jours. Externe en quatrième année dans la promotion de ma fille.
Je ne peux pas me taire. Je pense aux parents de ce garçon.
Comment faire bouger les choses ?
Ensemble. »
COMMENT DECOURAGER MON ENFANT DE FAIRE DES ETUDES DE MEDECINE ?
« Je viens de lire un article dans la presse sur le suicide d’une jeune interne il y a un an. Le comble c’est que cette jeune fille avait commencé à se doper au café et aux médicaments… J’avais déjà entendu parler de souffrance des étudiants en médecine, mais les suicides, j’avais du mal à y croire… Or ma fille de 16 ans en première actuellement souhaite faire des études de médecine. Je ne vais pas l’en dissuader, mais il est vrai que lorsque je vais lui en parler, elle va peut-être y réfléchir à deux fois… C’est absolument lamentable de voir que des étudiants en médecine soient autant en souffrance psychologique.
Ça fait peur, franchement ça ne donne pas envie de motiver ma fille dans ses conditions. »
INQUIETUDE ET COLERE DES PARENTS
« Notre fille et son compagnon ont débuté leur internat en novembre. Je m’étais illusionnée en me disant, « ça y est, elle a réussi, maintenant ça va être plus tranquille »… Il ne se passe pas une semaine, sans que je m’inquiète pour elle, pour eux, d’autant plus avec la situation sanitaire actuelle. Il ne se passe pas une semaine sans que je sois en colère contre ce système. Il ne se passe pas une semaine sans que je m’interroge sur ce que nous parents pouvons faire pour eux, pour ceux qui arrivent derrière eux »
MA FILLE S’EST SUICIDEE
« Ma fille, tout juste âgée de 24 ans, étudiante en 5è année de médecine s’est suicidée. Brillante élève, passionnée par ses études et ses stages, totalement épuisée par ses gardes, ses astreintes, les conférences de préparation à l’ECN, et le climat du Covid, elle s’est pendue à son domicile à l’issue d’un stage particulièrement difficile en cancéro-pédiatrique.
Ses plus proches amies étudiantes en 6è année aujourd’hui ne se remettent pas de ce drame même si la FAC a mis en place une cellule d’écoute psychologique. »
LES INTERNES : DES ESCLAVES CORVEABLES A MERCI
« Ma fille est interne de 1ere année en anesthésie réanimation. Elle commence ses journées à 7 h (se lève donc à 6h) et après sa journée fait des gardes jusqu’au lendemain parfois 8h ou plus. Quand elle a de la chance elle peut arriver à dormir 3 h mais ce n’est surement pas assez pour récupérer ! Il faut dire qu’en réa surtout en ce moment avec les patients covid il y a beaucoup de travail. Elle m’a dit que les médecins titulaires eux ne commencent leur journée qu’à 14h. Je lui ai demandé pourquoi ce n’était pas pareil pour elle, elle m’a répondu que cela ne concernait pas les internes (qui sont des esclaves corvéables à merci). Et vu qu’elle commence, elle n’ose rien demander de peur d’être mal vue….
Combien de temps cela va encore durer ? Combien de morts de jeunes internes et médecins faudra-t-il pour que cela change enfin ?
Qu’en pense le ministre de la Santé M. VERAN ? »
PENSEES SUICIDAIRES D’UN INTERNE
Interne 2e semestre aux urgences de B en 2012, seul interne sur 11 postes.
À 4 heures du matin, seul avec 20 patients aux urgences, dont 2 mal, et appelé dans les étages pour épilepsie et autres.
Epuisement, on ne réfléchit plus, on veut juste que ça s’arrête.
J’ai cherché les escaliers du toit.
Ceci témoigne que je ne les ai heureusement pas trouvés.
LE SUICIDE : UN TRAUMATISME POUR CEUX QUI CONTINUENT
2e au concours de 1re année de Paris 6, 11e de France à l’ECN 2011.
Brillantissime. Bien plus que tous les PU-PH que j’ai rencontré.
Il avait tout donné pour être cardio.
Au 2e semestre, le 2e jour de son stage d’interne de cardio, il dîne avec un ami.
Il lui sert la main, il lui dit au revoir.
Il rentre, il écrit 3 pages.
Il saute.
Personne n’a réussi à lire ces 3 pages.
Certes il n’avait pas que la médecine sur le cœur, mais son dernier SMS, 3 jours avant a été : boulot, métro.
Nous avions 24 ans.
REVOLTE D’UN INTERNE DE 1ERE ANNEE
Je suis interne de médecine générale depuis 7 mois, actuellement aux urgences, dans la région Nord.
Je commence à m’épuiser, à compter le nombre de confrères, consœurs internes « morts au combat » qui ne devrait tout simplement ne pas en être un. Lutter contre la maladie et la mort jusqu’à s’en asphyxier est un mal qui ne m’est pas inconnu. Les gardes de 24 heures sans dormir s’enchaînent, une, puis deux, trois dans la semaine alors que ce n’est pas un stage de gardes… Le corps prend, le mental surtout. Un voile anesthésie les sens pour les jours à venir, le temps de remonter à la surface. Je ne comprends pas cette obstination du corps médical à nous faire travailler 24 heures d’affilée, sujet aux erreurs médicales, au burn out (déjà décrit pour les infirmiers dans les années 80 quand ils travaillaient 24h d’affilée), au syndrome post garde (maux physiques), pour être payé 100€ la nuit de 15h… Je ne comprends tout simplement pas.
Les chefs me racontent que eux c’était pire, que l’État paye des indemnités au conseil européen du travail pour faire travailler les médecins 24 heures d’affilée… Même les pompiers avaient reçu gain de cause. Pourquoi pas nous ? Je ne comprends pas. Les chefs ont signé pour cette vie de garde, et encore, cela se discute dans les spécialistés non d’urgence.
Quant à nous, internes, personne ne nous demande notre avis. « Permanence des soins » disent-ils. « Permanence des suicides ? » devrais-je leur répondre ? Je ne comprends pas. Nous devrions nous taire pour l’honneur d’une profession dont les chefs de service eux même revendiquent un dysfonctionnement aux médias.
INTERNES EPUISES – PATIENTS EN DANGER
Je me souviens que le plus dur, ça a été de réaliser que le métier que j’aimais, celui pour lequel j’avais tant sacrifié, ne me rendait plus heureuse. Pire, il était en train de me détruire.
A cette époque, je ne travaillais jamais moins de 70h par semaine, régulièrement 96h. Je faisais jusque 26 jours d’affilée. Mes supérieurs me disaient que cette difficulté en valait le coût, même quand je pleurais devant eux, à bout.
J’ai commencé à faire des cauchemars. Des crises d’angoisse. A vomir en pensant à l’hôpital.
Et j’ai eu de la chance. Parce que mes amis ont vu ma détresse. Ils m’ont incitée à prendre un arrêt de travail. Et heureusement, car j’avais de plus en plus d’idées suicidaires.
La guérison a été longue. Douloureuse aussi. Mais petit à petit, j’ai sorti la tête de l’eau.
Aujourd’hui je vais bien. Je suis heureuse, épanouie. Mais je suis aussi en colère contre ce système qui m’a fait détester une des choses que j’aimais le plus. Alors maintenant, je dis non, je parle de ce qui m’est arrivé et j’essaye d’aider les autres.
BURN OUT
Souhaiteriez-vous mettre votre vie entre les mains d’un interne en médecine/chirurgie qui travaille depuis 24h non-stop et qui en est à sa 80e heure de la semaine ?
Est-ce que vous me croyez si je vous dis que ce même médecin est l’employé le moins payé de l’hôpital ?
Les internes, de la 6e à la 12ème année de medecine, en fonction de la spécialité choisie, sont la première ligne de médecins auquel vous aurez à faire à l’hôpital. Ceux qui vous prendront en charge aux urgences, qui viendront vous voir tous les jours lors de votre hospitalisation, qui vous opèreront sous supervision (ou non)…
Concernant les spécialités chirurgicales, comme l’obstétrique que j’ai choisie, nous travaillons de 60 à 100h par semaine. Notre salaire rapporté aux nombres d’heures travaillées est inférieur au smic horaire, nos heures supplémentaires ne sont ni comptabilisées ni rémunérées.
Le problème c’est que nous sommes formatés pour travailler comme des brutes sans nous plaindre dès les premières années de médecine au détriment de notre santé et de notre vie personnelle. Tous nos chefs trouvent cela « normal », en dénonçant cela certains vont me rire au nez parce que « à leur époque c’était bien pire ».
APPEL AU SECOURS
Travailler 26h d’affilée puis rentrer en voiture en espérant ne pas s’endormir sur la route cette fois ci, se demander chaque nuit de garde à 5h du matin ce qu’on fait là et s’agacer de fatigue sur les patientes qui se trouvent aux urgences à ce moment, ne pas avoir d’activité extra hospitalière, ne pas voir ses proches, susceptibilité accrue, labilité émotionnelle… Mon quotidien depuis plus d’un an et pour les 5 prochaines années à venir.
Près d’1 interne sur 4 déclare avoir eu des idées suicidaires dans l’année, tous les 18 jours 1 interne en médecine se donne la mort. (Étude 2021 de l’insi).
Il est urgent d’améliorer nos conditions de travail
S’il n’y a pas assez d’internes pour réduire notre temps de travail, la moindre des choses serait de nous rémunérer à notre juste valeur.
Salaire net mensuel avant déduction d’impôt sans garde en première année d’internat : 1590€ basé sur 48h/semaine dans notre contrat (bien en dessous de la réalité).